Le livre :
Constellation est l’autre nom du F-BAZN d’Air France, l’avion dans lequel ont pris place, le 27 octobre 1949, 37 passagers – dont Marcel Cerdan, le célèbre boxeur amant d’Edith Piaf ainsi que Ginette Neveu, violoniste prodige – et 11 membres d’équipage. Parti à 20h06 de l’aéroport d’Orly pour rejoindre New York, le vol termina finalement sa course vers 2h51 du matin lors de sa descente sur l’île Santa Maria dans l’Archipel des Açores. Il n’y a eu aucun survivant.
Dans Constellation, Adrien Bosc nous livre un peu de l’histoire de ces hommes et femmes qui ont trouvé la mort cette nuit là. Il dévoile comment et pourquoi ils se sont retrouvés sur ce long-courrier et nous explique par quel concours de circonstances celui que l’on a surnommé « l’avion des stars » s’est écrasé.
Avis :
Constellation, premier roman d’Adrien Bosc, est une grande réussite.
L’auteur créé un roman riche en dressant le portait de l’ensemble des 48 alminhas (petites âmes) qui ont péri cette nuit là, sans se limiter à Marcel Cerdan et Ginette Neveu. Il lie les destins entre eux – sans oublier ceux qui n’ont pas pu prendre le vol et ont ainsi été sauvés – et pose la question du hasard et de la prédestination.
Si l’auteur met les destins des passagers au centre de son livre, il n’occulte pas pour autant l’aspect plus technique des raisons du crash et revient sur l’enquête qui a été menée à l’époque, alors que les boites noires n’existaient pas encore.
Les anecdotes et les faits réels, solidement documentés, sont prédominants dans ce récit et habilement associés. Vous apprendrez ainsi notamment comment cet accident a impacté la compagnie Disney, de quelle façon une loi sur les divorces votée dans les années 60 au Nevada a joué sur le destin d’un des passagers, pourquoi Edith Piaf s’est sentie coupable de la mort de son amant, pour quelle raison l’inhumation de Ginette Neveu a dû être repoussée ou encore ce qu’est une route sonore.
Écrit avec sensibilité et finesse, Constellation est un roman captivant et touchant qui se lit d’une traite.
Chaque chapitre est introduit par une citation d’un auteur, d’un poète, ou d’un chanteur, apportant une touche poétique supplémentaire.
Le boxeur ne portait pas une mais deux montres, l’une à l’heure de Paris, l’autre, une Reflet de la marque Boucheron, réglée d’avance sur le fuseau de New York. C’était un cadeau d’Edith Piaf, un porte-bonheur.
Musique :
Avec la présence de Michel Cerdan et Ginette Neveu, les références à Edith Piaf et à la violoniste sont évidemment nombreuses dans le récit. Concernant Ginette Neveu, seules les références précises trouvées en ligne et interprétées par elle, ont été intégrées à la playlist.
Lorsque des albums complets sont cités, comme c’est le cas pour Ginette Neveu, Pierre Schaeffer ou Richard Strauss, seul un morceau, représentatif de l’album a été intégré à la playlist.
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Playlist :
Les références musicales sont classées selon l’ordre d’apparition dans le livre.
- Édith Piaf est citée du fait de la présence de Marcel Cerdan, son amant, dans l’avion.
- Ginette Neveu et son frère, le pianiste Jean Neveu, en tournée ensemble, sont également dans l’avion. Les Neveu ainsi que les violons de Ginette (son Stradivarius et son Guadagnini) seront évoqués à plusieurs reprises dans le livre (de même qu’Ombono Stradivari).
- Jean de la Noüe, commandant de bord du F-BAZN, se rappelle de La Marseillaise orchestrée par le résistant Lazlo dans le film Casablanca (1942) qu’il était allé voir avec sa femme après la seconde guerre mondiale.
- Les cinq bergers basques présents sur le vol entonnent, dans le train qui les conduit à la capitale, des airs du pays dont les paroles sont « Au mois d’été la caille chante dans les blés ». La chanson dont sont issues ces paroles n’a pas été identifiée.
- Après l’accident, l’avion de recherche conduit par Paulo Gomes repère la fumée du F-BAZN, des paroles de la chanson Volutes d’Alain Bashung (Osez Joséphine, 1991) sont citées pendant cette scène. On retrouvera parmi les débris la volute (décorations sur le violon) du Guadagnini de Ginette Neveu.
- Frank Sinatra aurait été vu lors d’un rassemblement mafieux à Cuba lors du noël 1946.
- Des paroles de la chanson de Serge Gainsbourg, Cargo Culte, sont citées en introduction du chapitre 11 « Algarvia ».
Cette chanson parue sur l’album Histoire de Melody Nelson (1971), fait référence au Culte du Cargo, l’ensemble de rites apparus à la fin du 19ème-début du 20ème siècle chez les aborigènes de Mélanésie et du reste de l’Océanie, face à la colonisation. L’Histoire de Melody Nelson est le premier album concept de Serge Gainsbourg, dans lequel la jeune femme disparait lorsque son avion, un 707 à destination de Sunderland, s’écrase. Après l’accident, Gainsbourg chercha le corps de Melody dans la chanson Cargo Culte. Algarvia est le nom du village au pied du mont Redondo sur l’île de São Miguel où l’avion s’est crashé. - Des paroles de la chanson de Jacques Brel, La ville s’endormait (Les Marquises, 1977), sont citées en introduction du chapitre 14 « La prophétie d’Arista ». Les Marquises est le dernier album de Jacques Brel, qui, atteint d’un cancer des poumons, vivait depuis quelques années sur ces îles polynésiennes.
- En introduction du chapitre 15 « Ponta Delgada » des vers de « La chanson du vieux marin » de Samuel Taylor Coleridge sont cités. Il ne s’agit pas d’une chanson mais d’un poème composé à la fin du 18ème siècle, sous le titre original : The Rime of the Ancient Mariner (connue en France sous le nom : La complainte du vieux marin).
- Ginette Neveu avant son départ aux États-Unis avait donné un concert le 20 octobre à la salle Pleyel avec au programme : la Sonate en ré majeur de Haendel, la Chaconne en ré mineur pour violon seul de Bach, Nocturne et Tarentelle de Szymanowski, Pièce en forme de Habanera et Tzigane de Ravel. La Chaconne de Bach sera évoqué à nouveau plus loin dans le livre.
- Frédéric Chopin est cité plusieurs fois : Ginette Neveu assista à son premier concert hommage à Chopin à 2 ans. Elle est enterrée à quelques tombes de celle du célèbre compositeur.
- A 6 ans, Ginette Neveu donne son premier récital avec une fugue de Schumann.
- A 8 ans, elle interprète un concerto de Max Bruch, Salle Gaveau.
- Henryk Wieniawski, violoniste et compositeur polonais, est cité plusieurs fois.
- En lien avec Ginette Neveu sont cités des professeurs, membres du jury ou concurrent de concours : professeur Nadaud, Mme Taluelle, Georges Enesco, Jules Boucherit, Carl Flesh et David Oïstrack.
- Francis Poulenc avec qui elle devient amie suite à un concert en 1943 lui dédicacera l’une de ses sonates. Il n’est pas précisé laquelle.
- L’orchestre symphonique de Genève est cité.
- La captation de 1946 du Poème de Chausson avec l’Orchestre philharmonique de Londres sous la direction d’Issay Alexandrovich Dobrowen est évoquée.
- Dans un avion, Ginette Neveu improvise à l’harmonica Tzigane de Ravel, qu’elle joue normalement au violon.
- Marcel et Étienne Vatelot sont cités plusieurs fois dans le livre. Étienne le fils du luthier aurait du prendre le même vol que Ginette.
- Louis Armstong est évoqué lorsqu’il joue à la salle Pleyel.
- Des paroles d’une chanson populaire des États-Unis, I’m On My Way To Reno, sont citées, faisant référence à la facilité de divorcer au Nevada. Cette chanson aurait été écrite en 1910 par William Jérôme sur une musique de Jean Schwartz. C’est la version de Billy Murray, seule disponible, qui a été intégrée à la playlist pour illustration.
- Après son entretien téléphonique avec le fils d’Ernest Loweinstein, l’une des victimes de l’accident, Adrien Bosc dit penser au chanteur Emile Latimer, aperçu dans une vidéo de Nina Simone. Emile Latimer, fut le guitariste de Nina Simone et l’accompagna au chant dans l’une des versions de Black Is The Colour Of My True Love’s Hair chanson de son album live Black Gold (Live at Philharmonic Hall, New York) enregistré en 1969 et paru en 1970. La chanson n’est pas explicitement citée mais on peut supposer qu’il s’agit de celle-là. Elle a donc été intégrée à la playlist.
- Une photographie sur laquelle on peut voir John Coltrane et Ben Webster ainsi que Jackson C. Frank et sa chanson Blues Run The Game (album Blues Run The Game, 1965. Unique album produit par Paul Simon) sont évoqués.
- Le 8 novembre 1949, alors que les corps des victimes sont ramenés à Paris, la cantatrice anglaise Kathleen Ferrier (surnommée aussi Klever Kaff), amie de Ginette Neveu, donne son premier récital dans la capitale, salle Gaveau.
- Kathleen Ferrier et Ginette Neveu avaient en ami commun le chef d’orchestre John Barbirolli. Cité, il est dit qu’il a composé l’oraison funèbre de chacune des deux femmes.
- L’ami d’Édith Piaf, Michel Emer, est cité comme le compositeur de l’Accordéoniste (1940) et comme conseillé de Piaf pour des séances de spiritisme.
- Une légende lie la rédaction de l’Hymne à l’amour (1949) à la mort de Marcel Cerdan, mais il s’agit en fait de La Belle Histoire d’amour (1960). L’Hymne à l’amour était en fait destinée dans un premier temps à la chanteuse Yvette Giraud, comme l’explique Bosc dans le livre.
- La première œuvre de Pierre Schaeffer, Cinq études de bruits, est retransmise le 5/10/1949 sur la RTBF. Elle est composée de cinq pièces : Déconcertante ou Étude aux tourniquets, Imposée ou Étude aux chemins de fer, Concertante ou Étude pour orchestre, Composée ou Étude pour piano, Pathétique ou Étude aux casseroles.
L’Étude aux chemins de fer est cité à nouveau lors de la reconstitution du vol, c’est donc ce titre qui a été intégré à la playlist. - Avec Pierre Henry, Pierre Schaeffer fonde le Groupe de Recherche de Musique Concrète (GRMC) et ils enregistrent Symphonie pour un homme seul (1951).
- A cause de la politique de nazification, trois jours avant la première de La femme silencieuse (Die Schweigsame Frau) de Richard Strauss à Vienne (1935), le nom de Stephan Zweig, auteur du livret, disparait des affiches. Cet opéra en trois actes est inspiré de la comédie de Ben Jonson, Epicoene or The Silent Woman (1609). De même, l’orchestre philharmonique de Vienne s’est transformé en repaire de musiciens nazis et le violoniste Clemens Hellsberg ainsi que 6 musiciens juifs ont été assassinés, 10 autres déportés.
- Les enregistrements suivant de Ginette Neveu étaient conservés par une fan : les concertos de Brahms et Sibelius, la Sonate de Debussy, le Tzigane de Ravel, les Quatre pièces de Suk et le Poème opus 25 de Chausson.
- Louis Armstrong – As Time Goes By. Selon Bosc, la légende sur l’île de Faial (Açores) voudrait que le chanteur ait interprété ce titre à Horta, au Peter’s Bar, dans la salle des pas perdus des marins.
Cette chanson écrite par Herman Hupfeld en 1931 pour le spectacle de Broadway, Everybody’s Welcome, fut reprise dans le film Casablanca ce qui contribua à la populariser. Elle fut ensuite reprise par de nombreux chanteurs, dont Louis Armstrong ici cité. - Étienne Vatelot, aimerait animer les violons comme l’apprenti sorcier du célèbre dessin animé Fantasia (1940) de Walt Disney fait danser les balais. L’apprenti sorcier, le morceau qui illustre cette scène, est interprété par l’orchestre de Philadelphie sous la direction de Leopold Stokowski.
- Le violoniste et chef d’orchestre américain Yehudi Menuhin est cité.
- Isaac Stern, Mstislav Rostropovitch, Bernard Ringeissen et Haydn sont cités dans le cadre de l’émission de Jacques Chancel du 30/06/1982 , Le Grand Echiquier ayant pour titre « L’âme des violons », qu’il consacre à Étienne Vatelot.
- Silvio Barbato, le chef d’orchestre du Symphonique de Rio est cité. Son corps est retrouvé en 2011 dans les dépouilles repêchées de l’épave du vol Rio-Paris AF447 qui s’est crashé en 2009.
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Constellation est paru en août 2014 aux éditions Stock.
Delphine
Créatrice du site // Rédactrice
Créatrice, rédactrice et CM du site. Passionnée de musique, fan de LCD Soundsystem (mais pas que). J'aime la lecture, le ciné, les expo, le street art et les voyages !